Où que l’on aille dans Madagascar, on peut voir sur le bord des axes routiers, des tas de briques allant du rouge au gris foncé, tantôt à moitié ecroulés, tantôt encore fumants.
Case en végétal.
C’est au XVIème siècle que les premiers portugais débarquent à Madagascar. A cette époque, toutes les constructions étaient réalisées en végétaux. Au XIXème siècle, le bois était réservé à l’aristocratie tellement celui-ci était rare et cher. Les cases en végétal étaient toujours le standard du peuple.

Vieille maison traditionnelle des Hautes Terres. Entièrement en briques et toiture en tuile arrondies en terre cuite.
Apparition de la brique.
On commença à construire les premières maisons en terres suivant les techniques du pisé ou du torchis. C’est seulement en 1826 que James Cameron, missionnaire protestant, aurait implanté la brique dite crue. Très peu de temps après, c’est l’aventurier Jean Laborde qui installa le premier four à brique qui donna le départ de la généralisation de la brique cuite.
Mais la maison en brique reste encore l’apanage des gens relativement aisés car la pauvreté, la croissance démographique et le manque de revenus viennent souvent interdire l’accès des pauvres à ce type de logement.
Inconvénients.
La brique a des inconvénients : cette fabrication artisanale engendre une grande consommation de bois et d’énormes pertes d’énergies, ceci induit un rendement de production assez faible auquel il convient d’ajouter la piètre qualité de la brique qui entraîne des coûts unitaires de construction élevés, un approvisionnement irrégulier, la dégradation de l’environnement et le manque de formation des briquetiers-artisans. Elle ne bénéficie pas de bonnes qualités acoustiques.

Dans les campagnes, les maisons sont aussi maintenant en brique sur les Hautes Terres, mais souvent la toiture est recouverte de chaume.
Avantages.
La brique a des avantages : C’est une matière quasiment neutre qui ne nécessite donc pas de joints de dilatation. De par son coefficient d’isolation thermique naturelle excellent, il n’y pratiquement pas de ponts thermiques ce qui supprime pratiquement les problèmes de condensation.
Situation.
Bien que cette technique ait démarré sur les Hautes Terres, on retrouve la fabrication des briques presque partout sur l’île, du moins tant qu’il y a de l’argile. Cependant, la brique est principalement utilisée dans les constructions de bâtiments et habitations à vocations urbaines, c’est la raison pour laquelle on voit plus principalement ces unités de fabrication se concentrer en périphérie de villes et principalement sur les axes de communication afin de faciliter le transport, ce qui ne va pas sans poser des problèmes de rivalité avec les rizières, ces deux activités se pratiquant sur les mêmes terrains et emplacements.

Plusieurs étapes de la fabrication. Au centre, le moule, à gauche, la malaxion de l’argile, le séchage au sol et l’empilement des briques.
Argile.
Les ouvriers, appelés briquetiers, louent les rizières aux paysans pendant la basse saison des cultures. Ils commencent à creuser pour atteindre l’argile et, pour empêcher de sur creuser le sol, ne l’exploiteront pas plus d’un mètre de profondeur.
La fabrication des briques reste un travail très rudimentaire. Les apprentis extraient l’argile avec des pelles en bois pour ensuite le malaxer avec leurs pieds nus.
Moulage
Les briques sont formées dans un moule en bois fixé sur un pieu, à hauteur d’homme et, avec simplement un récipient plein d’eau et un peu de sable assez fin, le briquetier moule ainsi les briques une à une avant de les démouler et les déposer à même le sol pour le séchage en prenant soin de les séparer légèrement les unes des autres afin que l’air puisse circuler pour un bon séchage.
Dès que celles-ci sont suffisamment sèches, il les empiles les une sur les autres de manière, là aussi, à laisser une circulation d’air entre elles.
Four pyramidal.
Lorsque les briquetiers ont assez de briques, ils édifient un four en forme de tour comprenant de 20000 à 30000 briques. C’est un travail très méticuleux qui leur demande environ 1 mois car le placement des briques doit permettre qu’au moins 2 faces de chacune des briques soit cuite. Les espaces seront remplis au fur et à mesure « d’akofa » (restes d’agriculture). Il faut environ 5 à 6 charrettes, par four, de ce combustible relativement cher.
Ils doivent veiller à réserver, aux bons endroits, les emplacements des foyers ainsi que les orifices nécessaires à l’approvisionnement en bois de brûle, sans omettre les cheminées indispensables au tirage.

Tous les édifices et maisons de Tana sont construites en brique. Le béton commence cependant à faire son apparition dans les grands édifices nouveaux.
Rentabilité.
Cette technique de four, dite « technique hollandaise » est bien plus rapide et rentable que les fours français du début. En général, les briques correctement cuites représentent environ 80% de la totalité mises à cuire dans le four, et si on considère environ seulement 5% de pertes, il reste environ 15% de briques qui sont soit trop cuites, elles qui vont servir de matériaux de garnissage dans les constructions, soit pas assez cuites qui, celles-ci, seront recuites.

Les briques sont stockées sur le bord de la route en attendant d’être chargées sur les véhicules de livraison. C’est le travail des femmes.
Fady.
Il existe des « fady » (interdits) autour de la cuisson des briques, comme souvent à Madagascar.
Par exemple, il faut bien veiller à ce qu’aucun « valala » (criquet) n’entre dans le four sinon la cuisson ne serait pas bonne. Ou encore, le fait que le responsable de la cuisson ne doit pas toucher à sa femme pendant toute la durée de la cuisson. De même qu’on ne doit faire passer aucun défunt près des fours.
Pour conjurer les sorts et combattre les fady, avant d’allumer le foyer, le responsable de la cuisson place un « kady » (brin d’herbe sec) sur la pyramide et met du sel et du piment séché sur la pyramide ainsi que du « toaka gasy » (rhum local) aux 4 coins de celle-ci.
En préparation :
Un ou plusieurs billets traitant de ce sujet, mais de manière plus technique et détaillée.
bonjour, vous pouvez detailler un peu les etapes de la fabrication de brique? les différents modes de cuisson…
merci
Bonjour,
Effectivement, c’est une très bonne idée. Je vais donc consacrer prochainement plusieurs billets à ce sujet en le traitant de manière plus technique et plus détaillée. Mais, malheureusement, ce ne sera pas avant plusieurs mois… Le temps d’enquêter sur place, faire les photos et écrire les billets. Merci pour votre suggestion.
Bonjour,
Est-ce qu’il serait possible de dupliquer cette ce type de fabrication dans une usine semi-automatiser ?
Pourquoi pas ???? Je ne sais pas, je ne suis pas industriel…!!!
pourquoi les maisons traditionnelles en pisé,sur les hauts plateaux de Madagascar n’ ont- elles pas de cheminées?
Bonjour Colette,
En fait, la « cuisine » constituée essentiellement d’un ou plusieurs « fatapera » (espèce de petit barbecue qui fonctionne au charbon de bois) est située à l’étage et les fumées s’échappent en grande partie par le toit en paille, et en partie par la ou les petites fenêtres. C’est d’ailleurs impressionnant lorsque le temps est bouché, les fumées ne montent pas et stagnent à hauteur des maisons donnant l’impression que celles-ci sont en feu.
Bonne journée.
Grand merci pour votre explication; je reviens de Madagascar et suis sous le charme de ce pays, visité 5fois. Paysages sublimes,population acceuillante, lémuriens qui donnent une idée du paradis, croyances très intérressantes, mais quelle pauvreté!!surtout à Tana : Le Père Pedro est une bouée de sauvetage pour ces dizaines de milliers d’exclus! et puis aussi cette corruption qui est révoltante.
Merci encore de m’avoir répondu.
Amicalement
Colette
Auriez-vous entendu parler ou vu un nouveau modèle de four à briques, développé par Jean-Baptiste Katabarwa, du Centre d’Excellence sur la brique artisanale d’argile cuite, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, Québec?
Ils auraient publié un document « Site pilote de recherche de Sabotsy Namehana, Antananarivo, Madagascar: recueil de photos »
(oct. 1995 à fév. 1996), 1996, 12 p ., ill. en majeure partie (sans pagination.), mais je ne le trouve pas.
J’y suis intéressé pour un projet en RD Congo, que je sponsorise.
Merci d’avance pour tout renseignement.
Pol Jansegers
Bonjour, où est ce qu’on peut trouver des briques artisanales 20 cm * 10cm? Merci.